“Les universités doivent innover en sortant de leurs propres murs et en étant pertinentes pour le monde réel”, déclare Antoine Martin. C’est une déclaration difficile pour Hong Kong et ses prestigieuses universités de classe mondiale.
Antoine M. est responsable de l’impact à la faculté de droit de l’Université chinoise de Hong Kong, un rôle qui semble plus proche du monde des startups et des capital-risqueurs que du monde universitaire – et c’est précisément le but recherché.
L’idée d'”impact”, explique Antoine M., est née au Royaume-Uni en 2014. Là-bas, les législateurs voulaient mieux comprendre comment l’argent des contribuables injecté dans la recherche créait un réel impact sur la société.
“Pour les universités, il s’agit de construire un leadership. Il s’agit de publier des connaissances de pointe qui font réellement leur chemin dans le monde au lieu de rester dans une base de données privée à laquelle seules d’autres universités ou une poignée d’entreprises ont accès”, explique-t-il.
Sortir de sa zone de confort
Il y a environ deux ans, le gouvernement de Hong Kong a décidé de lui emboîter le pas. Il a fourni l’argent aux meilleures universités de la ville et les a chargées de créer leur propre impact. “Ce qu’il n’a pas fait, c’est fournir le cadre. Nous savions que nous devions sortir du milieu universitaire pour combler le fossé avec le monde réel, mais au-delà de cela, il y avait très peu d’orientation.”
Toutes les facultés devaient désigner un coordinateur d’impact – en plus de leur charge de travail normale. L’école de droit CUHK a adopté une approche différente, en chargeant Martin de développer sa stratégie dans un rôle spécifique. “Je me mêlais et rencontrais des entrepreneurs, des startups et des hommes d’affaires dans le monde de la FinTech depuis deux ans, c’était donc logique.”
La première étape ? Inviter certains de ces outsiders au sein du corps professoral pour travailler avec les professeurs sur la meilleure façon de communiquer leurs recherches au monde entier.
Des ateliers de design thinking avec post-its et idéation rapide ne sont pas ce que l’on s’attend à voir dans une faculté de droit, mais c’est exactement le genre d’esprit d’entreprise dont Antoine M. dit avoir besoin.
“Nous voulions sortir les professeurs de leur zone de confort et leur montrer qu’il est possible d’appliquer leurs idées dans le monde réel”, explique-t-il. “Ce sont eux qui doivent s’approprier la transformation de leurs recherches en impact – et au final, ils ont été très réceptifs et peuvent voir la valeur de transformer six mois de réflexion individuelle en une session d’idéation de trois heures.”
Comment transformer des articles de 30 pages en de puissantes notes d’orientation pouvant être envoyées à des avocats, des ONG, des gouvernements et au-delà ? Comment créer un site web dédié qui explique au mieux nos dernières idées ? C’est le genre de questions qu’Impact cherche à susciter.
Antoine M. a également travaillé à l’élaboration d’un programme de développement du leadership pour les chercheurs de la faculté. “L’impact consiste à développer le leadership institutionnel”, dit-il, “mais la meilleure façon d’impliquer les gens est d’en faire une situation gagnant-gagnant, d’où la nécessité de développer le leadership personnel.”
Le leadership est rarement évident. “Le personnel junior a particulièrement du mal à l’assumer et vient me voir comme un simple chercheur”, déplore-t-il. Pourtant, après un petit travail sur l’identité du bénéficiaire de la recherche, la proposition de valeur à promouvoir et le développement d’une vision personnelle de la recherche, le personnel construit un récit et tout change.
“C’est ainsi que l’on responsabilise les gens”, insiste Martin. ” Pour les universités et le corps professoral, c’est une situation gagnant-gagnant ; la recherche est en mesure d’éduquer des personnes qui, autrement, n’auraient jamais ressenti son impact, et simultanément, vous êtes en mesure de renforcer votre position de leadership. “
Diriger ou rester derrière
Antoine M. espère que cette approche permettra de résoudre un problème plus profond. “La communauté des affaires – qu’il s’agisse de multinationales ou de startups – a un fort désir de se connecter avec les universitaires. Mais souvent, les deux ne se comprennent tout simplement pas”, explique-t-il.
À Hong Kong, l’insistance des universités pour que les professeurs ne soient pas considérés comme des consultants du monde des affaires n’aide pas non plus, selon Antony M. Aux États-Unis, la situation est inversée dans des endroits comme l’UC San Diego, où les capital-risqueurs ont des bureaux dans les facultés aux côtés des chercheurs.
Hong Kong n’est peut-être pas encore prêt à aller aussi loin, admet-il. Mais les pré-incubateurs pour les étudiants ayant des idées d’affaires dans des endroits comme CUHK ou l’Université des sciences et technologies de Hong Kong sont déjà un bon début.
“L’idée d’impact n’est pas encore totalement développée en Asie, Hong Kong a donc une réelle opportunité de prendre une position de leader. Le gouvernement a été disposé à fournir les fonds nécessaires, il appartient maintenant aux universités d’institutionnaliser pleinement cet état d’esprit. Après tout, l’innovation est un état d’esprit.”
Si cet état d’esprit s’installe, il pourrait changer fondamentalement non seulement la façon dont la recherche est menée, mais aussi le positionnement des universités de Hong Kong.
“Regardez quelque chose comme la conférence RISE, où les entreprises font des pieds et des mains pour que leur logo soit associé à l’événement. En France, par exemple, ce sont les écoles de commerce avec lesquelles les entreprises cherchent désespérément à travailler – cela pourrait également être le cas pour Hong Kong.”
L’interview de Kieran Cash est disponible sur le site de la Chambre française.
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Le Dr Antoine Martin était le responsable de l’impact de la principale école de droit de Hong Kong, CUHK Law, au moment où cette interview a été réaliséeImpactifié en novembre 2019. Antoine pense que l’innovation est un processus qui doit être nourri et auquel il faut faire confiance, et il utilise des outils tels que le coaching, le design thinking, le développement du leadership et le storytelling pour aider les gens à formuler des propositions de valeur Impactées. Et vous, quel est votre impact ?
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